Chronique de la Place de la Toile du 15 décembre 2012 : "De la contre-culture à la cyberculture" avec D. Cardon, H. Le Crosnier et Laurent Vannini.
Why it sucks to be a woman in the video game industry ? [Cf. le tag #femmes sur seenthis] [soundcloud url="http://api.soundcloud.com/tracks/71372568" params="" width=" 100%" height="166" iframe="true" /]
J’ai cliqué sur le lien que Xavier m’a envoyé. D’accord... il ne prend même plus la peine de me poser la question lui-même. Pourquoi il ne fait pas bon être une femme dans l’industrie des jeux vidéo ? Ce qui est bien c’est que le billet de Mother Jones – magazine dont le nom renvoie à une célèbre syndicaliste américaine du début du 20e siècle – devrait me donner la réponse. Ce qui est bien aussi c’est que je suis immédiatement dans le cliché : une femme, une militante, surnommée « maman ».
Je navigue sur des œufs, évidemment. En même temps, la Fraaaance est la pire au monde en termes d’égalité des salaires femmes/hommes ; source ? Le « Global Gender Gap Report » 2012 du forum économique mondial. Donc s’il ne fait pas bon être une femme dans le business des jeux vidéo, c’est bien évidemment à cause du sexisme ambiant, jusqu’au harcèlement. Tout part d’un hashtag – nouvelle forme d’enquête d’opinion –, et d’une observation : alors qu’elles comptent pour la moitié du public des jeux vidéos, la moitié de l’audience donc, elles ne sont que 12% à y travailler. Et les réponses ont commencé à pleuvoir : une explication : « d’éminents collègues m’ont complimenté sur mes jeux, tout en complimentant l’apparence de ma femme, alors que nous avions développé ces jeux ensemble » ; une autre : « parce que quand une femme est impliquée dans un jeu, les gars du marketing arrêtent de se creuser la tête ».
Bien d’autres raisons encore : sur les personnages féminins à l’intérieur des jeux... [qui gagnent tant à être vraiment travaillés] ; vue aussi la réaction que cette question a suscité séance tenante... confirmant ainsi le choix de certaines game designeuses de ne même pas s’exprimer du tout sur le sujet sur twitter, carrière oblige. Je vais demander à XXX qui bosse pour XXX « une grosse boîte » ; sa réponse depuis la grosse boîte : « 0 femmes chez les game designers ; que des female tester trop mignonnes ». D’autres ont bien tenté la réplique « Pourquoi il fait bon travailler dans l’industrie des jeux vidéo ?! » « Parce que ceux qui n’y bossent pas me traitent comme si je sortais du Monde de Narnia, emplie de la sagesse d’un étrange nouveau monde ».
Trop tard. Et puis si je m’éloigne un peu des jeux, cette absence de femmes dans les cultures numériques n’est pas nouvelle. Je vous épargne les raisons psychologiques avancées [où il est question d’auto-sabotage] ; mais quand même, pourquoi ? je me souviens qu’on avait fait allusion au problème, lors d’une place de la toile avec Serge Abiteboul (à... 2’40) parce qu’il avait dédié sa leçon inaugurale au collège de France à « Petite Poucette » (M. Serres, pdf), étudiante en maths et en info "qui se fait si rare sur nos campus". Petite poucette est perdue en forêt, alors même que c’était la plus forte à l’école (de l’orientation).
On a beau l’encourager comme à Stanford à s’engager dans les sciences computationnelles, ou plus récemment à la Royal Society de Londres avec Wikipedia... il faut voir d’où elle part culturellement. On cite souvent la proportion de contributrices à Wikipedia, à peine 10%, alors qu’encore une fois, il y autant d’internautes femmes. Et tandis que des femmes continuent à s’illustrer dans l’informatique et les sciences en général [cette semaine la célèbre Ada Lovelace avait d’ailleurs les honneurs du Google Doodle] – le tableau est toujours troué.
Ah mais ? Non. Pour une fois, au tableau de la domination, hackers et logiciels libres ne font pas exception, bien au contraire. Notez que l’IUT [dont je vais bientôt te reparler, ordinateur, alors qu’un conférence importante s’est achevée jeudi à Dubaï] l’Union internationale des Telecoms donc, a chargé Geena Davis, la Thelma de Thelma & Louise, de promouvoir les femmes dans les technos... mais peu importe. Peu importe la personne, quand ce sont les structures qui sont en cause.