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Nostalgie : philosophie expérimentale des réseaux

39/13

Chronique de la Place de la toile du 9 février 2013 : "L’internet des objets" avec B. Benhamou.

De quelle expérience de la nostalgie les réseaux sont-ils solidaires ? [soundcloud url="http://api.soundcloud.com/tracks/78648101" params="" width=" 100%" height="166" iframe="true" /]

Une question qui fleure bon son ancien khâgneux. Les réseaux suscitent-ils une nostalgie particulière ? Eh bien oui, je dirais même que la nostalgie est le fonds de commerce des réseaux. Au sens propre, mercantile, du terme... mais pas seulement. Voyez, à peine ai-je ouvert ma messagerie que je vois (dans la checklist du Monde du jeudi 7.02.13) cette réclame d’une marque italienne qui propose une série d’assiettes inspirée des vinyles 33 tours : 20 euros l’unité. Suivant, Cultcut : une nouvelle plateforme qui recense plus de 1000 phrases célèbres du cinéma : moins de 15 secondes chacune. Les réseaux, sans conteste, nous confronte à de nouvelles expériences du temps.

http://www.dailymotion.com/video/xnoixh_grece-12-mots-ou-l-heritage-de-la-chouette-04-nostalgie-ou-le-retour-impossible_shortfilms

Sur cette mer de mégabits traversant la planète en millisecondes, la navigation a toujours quelque chose de nostalgique. Forcément, puisque l’internet est constamment disponible, que l’on s’y re-plonge sans cesse, il est le lieu de toutes les re-trouvailles. Dans le cyberespace, la nostalgie est donc partout. La nostalgie transpire par exemple des filtres photographiques adoptés en masse sur les réseaux sociaux… cf. le succès puis le battage d’Instagram.

Puisque je m’essaie ici à une forme de philosophie expérimentale, je lance une petite recherche sur twitter, en quête de ces moments de vie dilatée. Je laisse tourner la recherche toute la journée, et à la fin je peux dire sans aucune rigueur scientifique qu’un tweet contenant le mot nostalgie apparaît environ trois fois par minute. Evidemment, plus la journée avance, plus l’obscurité gagne, plus ça augmente. Autre expérience, avec Google cette fois, où je tape « nostalgie » mais en ajoutant « - radio » pour éviter les renvois vers Nostalgie FM : "Les réseaux sociaux nostalgiques de Jacques Chirac", "Un vent de nostalgie souffle sur la publicité"... De la politique, du marketing… Ah : « Les formes de la nostalgie aujourd’hui », c’était en septembre 2012, une série de conférences à Genève. J’envoie un mail… on me répond que les actes de ladite conférence seront bientôt publiés.

Voilà qui devrait plaire à Xavier, vu le nombre de ses « Lectures de la semaine » nostalgiques : "nostalgie de la mèche", "nostalgie de la machine à écrire" (ou encore ici), "mort du cyberflâneur"… une traduction de Evgeny Morozov regrettant, à l’image des premiers indiens du web indépendant, que la toile ressemble de moins en moins au Paris des passages de Walter Benjamin et de plus en plus au plan quadrillé de la ville américaine. Adieu webzines, l’heure est désormais aux gros silos de données personnelles liés aux pratiques de « self-publishing » en ligne. Adieu chemins spiralés, bienvenue sur les autoroutes de l’info. Evgeny l’a morose, et moi donc.

Du coup, je me replonge dans mes propres vieilleries, exilant mon spleen de Paris à Berlin. #Nostalgie (mot-dièse) sur seenthis : dernière occurrence, Marie Lechner qui raconte sa petite balade au festival Transmediale à Berlin donc. Un festival qui aborde les cultures numériques avec l’ambivalence de la nostalgie : il y a du regret, Heimweh, il y a du désir, Sehnsucht… et les réseaux expriment parfaitement cette ambivalence. Telekommunisten l’a compris. Pour ce collectif artistique, le salut viendra bien des réseaux, mais des réseaux… pneumatiques.

Chose que Gaston Lagaffe avait déjà compris en son temps. Quand ?Wikipédia : liste des inventions de Gaston, planche 518 : un système de transport de documents par pneumatique, et bim dans la gueule de de Maesmecker ! Alors, on souffre ? « La seule chose à faire est d’attendre que la tempête passe » disait l’auteur de Networks without a cause dans l’article de Lechner.

Le problème, c’est qu’une telle attitude contemplative reconduit sans cesse la nostalgie ET la cruauté dont elle est solidaire. Dans l’épaisseur historique où chacun se taille une tranche, n’y a-t-il donc aucun commun qui nous soit favorable ?

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