La question m’a été posée par Chmox en août dernier : « Dis, un jour dans ta rubrique tu nous raconteras d’où viennent les hoax ? Y a-t-il une usine à hoax quelque part ? »
Ben oui, l’Internet, c’est bien connu ! Repaire de rumeurs, de fausses informations, de manipulations, de criminels et de pédonazis, tu ne le sais pas encore. La Toile est-elle une usine à hoax ? Attention à ne pas tout confondre, il s’agit d’abord de bien comprendre ce qu’il faut entendre par « Hoax ». Et pour ça il me faut quatre pages Wikipedia au moins.
Hoax, c’est le terme anglais (1ère page wiki) pour « canular » (2e page), mais le terme existe aussi en français, comme anglicisime ; hoax en français (et de 3) restreindrait le sens de canular au « canular informatique » (et de 4) – le canular informatique, c’est celui qui passe par nos ordinateurs connectés, par des chaîne de mails dont l’objet peut-être par exemple : « le vrai salaire de françois hollande... », ou « Cette famille Rom vit avec 1 000 euros d’aide publique par mois », ou encore : « Microsoft s’apprête à ferme Hotmail... sauvegardez vos contacts etc. en cliquant là ».
Là je ne cite que des exemples de hoax malveillants, mais le canular informatique peut tout à fait servir d’autres intentions, plus drôles, plus subtilement politiques, où l’on entend moins « beugler le désespoir présent » (J. Rictus). Manipulation, falsification, intox, canular (il faudrait faire des distinctions entre ces termes), ça n’a pas vraiment de sens de limiter l’interrogation à l’informatique pour comprendre le phénomène.
Ce que la Toile facilite sans doute, c’est la circulation de l’information, sa propagation, comme on dirait qu’une rumeur se propage, mais attention là où la rumeur peut-être vraie ou fausse, le hoax est toujours faux lui... donc pas de sens à limiter l’interrogation à la Toile, qui donne aussi les moyens de lutter contre, avec des sites qui permettent de recenser et retourner les hoax, dont les plus connus en français sont Hoaxkiller et HoaxBuster — l’un des fondateurs de ce dernier soulignait il y a quelques mois que plus de la moitié des demandes concernent des hoax anti-musulmans. S’il y avait une usine à hoax, de tels sites n’auraient pas besoin d’exister : le propre du canular c’est d’entretenir le doute et l’ambiguité, et sur la source qui l’origine. Je risque au passage une hypothèse paranoïaque : ceux qui ont le plus intérêt à alimenter la toile en canulars, ce sont les sites de presse eux-mêmes, pour faire ensuite valoir leur fiabilité, justifier la confiance qu’on est censés leur accorder. Impossible à identifier donc, la source du hoax, car identifier revient à démystifier, et un canular démystifié n’en est plus un.
Quelques hoax récents, sans remonter au canular radiophonique d’Orson Welles en 1938, qui aurait – mais c’était là aussi une manipulation, a-t-on appris plus tard – entraîné une immense vague de panique ?
Il y a bien le faux interprète en langue des signes de la cérémonie d’hommage à Nelson Mandela (cf. l’interprétation de S. Zizek), la semaine dernière, ou mieux, car on n’en trouve plus trace désormais, l’annonce de la mort de Gorbatchev par le (faux) compte twitter du tout nouveau ministre des affaires étrangères allemand.
Je pourrais aussi parler du site Le Gorafi, sur le modèle deThe Onion aux Etats-Unis. Les voilà peut-être les usines à hoax. Le Gorafi, à ne pas confondre avec Le Figaro – « depuis 1826, toute l’information de source contradictoire ! » annonce par exemple que « désormais les passagers de Ryan Air devront conduire eux-mêmes les avions ! » ou encore qu’« une canadienne est devenue la première femme à tomber enceinte via Skype » ; ces canulars sont parfois pris au sérieux, sinon ils n’en seraient pas vraiment. Mais on peut aussi tout à fait procéder à l’inverse, en recensant des informations qui ont tout l’air de hoax, mais qui n’en sont pas du tout : sur seenthis, il y a un mot-clé pour ça. Lorsque La Provence annonce le suicide d’un Chinois après avoir passé des heures à faire les boutiques avec sa femme... c’est une « véritable information » semble-t-il, mais assortie du mot clé #gorafi_encore_plagié.
Si même les informations véritables ont l’air de canulars, je renonce définitivement à savoir d’où ils viennent. La toile n’est pas une usine à hoax, elle est une saine école du doute.