Les cookies, ces petites données informatiques qui entrent malgré nous dans nos ordinateurs, qui nous connaissent mieux que personne, qui nous identifient au long de votre navigation sur le Web, qui enregistrent nos consommations ou nos mots de passe pour éviter d’avoir à les retaper à chaque fois. Un rapport d’une sénatrice en dénombrait « 300 » en moyenne dans chaque navigateur — sachant que plusieurs peuvent être installés sur une même machine. Trois cents.
Des fichiers qui ont le nom de gâteaux et qui nous suivent, pour mieux adapter nos futures recherches, nos futurs achats, ou les publicités à nous vendre... Je pense à cette scène de Matrix où Néo va voir l’oracle, ce personnage-programme très ancien qui a suivi l’évolution de la Matrice et qui « sert de guide aux humains », eh bien que fait l’Oracle dans sa cuisine ? Elle prépare des cookies... qu’elle propose ensuite aux brebis égarées venues solliciter ses services. Ca ne peut pas être une coïncidence.
Les cookies c’est une vieille histoire du Web, bon mais alors quoi de neuf ? Il y a bien eu des tentatives pour encadrer leur utilisation, exiger le consentement de l’utilisateur, au niveau européen, depuis plusieurs années déjà, des directives européennes que les Etats ont bien du mal à traduire en droit national. Conséquence de cela ou pas, j’ai vu à plusieurs reprises ces derniers temps apparaître un bandeau en haut de ma page de recherche google, le géant de l’industrie publicitaire en ligne qui représente 1/3 du marché, un avertissement du type : « nous nous servons de cookies, voilà, vous êtes prévenus ». Il faut cliquer pour en savoir plus. Pas besoin d’aller jusque là cependant : clic droit sur n’importe quelle page web, « afficher des infos sur la page », s’ouvre alors une petite fenêtre qui liste notamment les « cookies et données de sites ». Un des premiers trucs à faire quand on paramètre son navigateur, pour éviter un « tracking » trop prolongé, en plus d’installer les extensions Adblock et Ghostery (Disconnect), c’est de sélectionner les options « ne conserver les données locales que jusqu’à la fermeture du navigateur » et « bloquer les cookies tiers et les données de sites ». Ca évitera déjà de tourner en boucle sur soi, sur ses mêmes centres d’intérêts, ses mêmes préférences ; cela permettra peut-être des découvertes inattendues, ce pourquoi le Web peut encore être estimable.
Seulement... tout cela ne pourrait servir à rien. A cause de types comme moi, un peu conscients mais pas très techniciens, qui se mettent à paramétrer leurs navigateurs comme indiqué à l’instant…incitant l’industrie de la publicité en ligne à s’adapter... c’est à dire à préparer l’après cookies. Bon c’est aussi parce que les cookies ne fonctionnent pas sur les téléphones portables qui brassent toujours plus de trafic. Les mouchards-cookies sont donc remplacés par des systèmes d’empreintes, où c’est la configuration de mon navigateur qui fait office de carte d’identité. Cela veut-il dire que ma configuration est unique parmi les milliards de navigateurs installés sur les ordinateurs du monde entier ?! Je vais sur panopticlick.eff.org pour en avoir le cœur net, un outil mis en place par les militants de l’Electronic Frontier Fondation pour déterminer précisément la singularité de mon navigateur ? Je clique sur « Test » ; le résultat est sans appel : « l’empreinte de votre navigateur semble unique, parmi les... 3,6 millions testées jusque là. »
De fait, l’identifiant unique serait déjà en place dans le navigateur Chrome de Google et le Safari d’Apple. Raison de plus pour rester sur Firefox ? Sans doute, mais si c’est pour aller sur Facebook... je lis sur Ecrans.fr que le réseau social est à la chasse aux souris, qu’il teste actuellement une méthode pour enregistrer jusqu’aux mouvements mêmes de la souris ou des doigts sur le pavé tactile, afin de déterminer quelles sont les zones les plus « survolées » sur le réseau social. Comment on dit pavé tactile dans la langue d’Apple déjà ? Ah oui « Track pad ».
Chronique de la Place de la Toile du 30 novembre 2013, « Mythologies du Darknet ».