Pourquoi n’y a-t-il pas de 3G en Palestine ?
La 3G, précision, c’est ce que nous autres européens nous appelions « l’internet mobile » il y a plus d’une décennie, à savoir une technologie de téléphonie cellulaire dont on croyait qu’elle pourrait rivaliser avec l’internet « américain » qui se répandait alors un peu partout. On dit 3G, mais le nom exact de la techno c’est UMTS, et le projet européen a connu de nombreux ratés au début des années 2000 [S. Godeluck raconte ça très bien dans son livre La géopolitique d’internet un peu daté mais fort intéressant].
Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, la 3G cohabite avec internet, en attendant d’autres technos, la 4G, ou pourquoi pas un réseau wifi public gratuit sur l’ensemble du territoire, on peut rêver. Que viennent faire les Palestiniens là-dedans me direz-vous, n’ont-ils pas chats plus menacants à fouetter ?
A l’origine de cette question, une campagne d’affichage organisée à Ramallah quelques jours avant la première visite officielle de Barack Obama dans le pays par trois jeunes Palestiniens dont un jeune graphiste du nom de Mahir Alawneh : des affiches avec le portrait d’Obama sur fond de bannière étoilée, avec ce message : "Président Obama, pas la peine d’apporter votre smartphone à Ramallah. Vous n’aurez pas accès à l’internet mobile. Nous n’avons pas de 3G en Palestine !".
En suivant le compte twitter de ce Mahir, je tombe sur un autre message adressé au président américain par un ingénieur informatique : M. Obama, allo ? Vous qui avez largement bénéficié des réseaux sociaux pendant vos campagnes successives (Cf. cette série d’articles notamment), ne cherchez pas, une fois à Ramallah, impossible de vous connecter via les deux opérateurs locaux, Wataniya et Jawwal. L’idée de cette campagne est venue aux jeunes hommes d’uneanecdote rapportée lors de la dernière campagne présidentielle américaine, qui montrait à quel point Obama était accro à son Blackberry, BlackBerry qui sans 3G n’est pas d’une grande utilité. Evidemment, précisent-ils contre ceux qui jugent cette action pour le moins inutile, l’idée est de protester, par ce biais apparemment futile (pas si futile puisqu’on peut ainsi l’évoquer dans cette émission) de protester aussi contre les conditions d’entrée à Ramallah, via l’entrée sud de la ville notamment, près du checkpoint de Kalandia, principal point de passage entre Ramallah et Jérusalem, où le trafic routier est quotidiennement bouché.
Est-ce que vraiment, il n’y a pas de 3G en Palestine ? D’après un discours prononcé par la ministre palestinienne des télécoms au Sénat, en France, le 1er mars dernier, le secteur des TIC représenterait 20% du PIB palestinien, mais doit faire face à une concurrence agressive : celle des opérateurs israéliens qui assurent une couverture pour les colonies israéliennes implantées en Cisjordanie. Or Ramallah se situant à proximité de ces colonies, ces mêmes opérateurs israéliens ont tendance à également proposer leurs forfaits aux Palestiniens... ils détiendraient à ce jour 20% de parts de marché. Voilà la principale cause de l’absence de 3G en Palestine : les opérateurs mobiles israéliens ont tout intérêt à ce que Wataniya et Jawwal, les deux opérateurs palestiniens, n’accèdent pas aux fréquences, et d’ailleurs, les Israéliens, qui ont toute autorité sur les territoires autour de Ramallah (zone C) s’opposent à leur projet de construction d’antennes-relais. Et ce, en violation des accords d’Oslo et de son versant télécommunications, dont on imagine pourtant l’importance sur un territoire aussi morcelé, où la circulation physique est constamment contrariée.
Dans les faits, précise Grégory Philipsl’envoyé spécial de Radio France dans la région, il y a bien de la 3G en Cisjordanie : à condition de disposer d’un forfait israélien ou étranger, on pourra en user par le biais de l’itinérance, roaming en anglais (l’itinérance c’est ce qui se passe quand on quitte la France pour un pays étranger : à peine le sol étranger foulé, vous recevez un texto vous disant bienvenue sur le réseau X ou Y local, il vous en coûtera 1000 euros la minute de communication et 10 euros par sms). Donc pourquoi n’y a-t-il pas de 3G en Palestine, pourquoi les données mobiles ne circulent-elles pas ? Eh bien pour les mêmes raisons qui font qu’il n’y a pas de droit de circulation tout court.
Pour des papiers relatant les 3 jours passés par Obama dans la région, voir notamment (merci à Sabah pour sa veille) :
Extrait du long discours d’Obama à Jérusalem devant des étudiants israéliens
Obama a-t-il réussi son opération de charme en Israël ?
Obama reassures Israel, while taking a step back from the Middle East
Chronique de la Place de la toile du 23 mars 2013, "Culture du livre, culture des écrans", avec S. Tisseron.