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Netto Uyoku

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Chronique de la Place de la toile du 9 mars 2013 "Quand la propriété intellectuelle devient folle" avec L. Maurel alias Calimaq.

Est-ce qu’il y a aussi une fachosphère au Japon ? [soundcloud url="http://api.soundcloud.com/tracks/82754360" params="" width=" 100%" height="166" iframe="true" /]

Quel mot horrible fachosphère, si seulement c’était aussi déterminé que cela ce serait commode, mais sur la toile, il n’y a pas de sphère, tout est plus subtil, plus fuyant. Quand bien même voudrait-on analyser des masses de données depuis ou vers les différents sites, commentaires, forums dont on aurait préalablement déterminé la « couleur politique », on aboutirait à rien de solide.

Dernière tentative en date, celle d’un cabinet d’études à la méthodologie douteuse, Linkfluence [1], qui a tenté de cartographier pour Francetvinfo « La nébuleuse de l’extremisme sur internet » en complément d’un documentaire de l’éditocrate C. Fourest. Résultat, des amalgames grossiers, et finalement un retrait de la cartographie du site de francetv [2]. Voilà pour les précautions (si vous voulez malgré tout vous repérer dans tout ça, voyez par exemple l’édition 2013 du "petit monde merveilleux de l’extrême droite française" par Réflexes  :).

Dans le cas du Japon, c’est plus facile à première vue, car la droite nationaliste qui s’exprime sur la toile est ramassée sous un joli syntagme : « netto uyoku », lequel n’a pas d’équivalent en face. La gauche d’internet « netto sayoku » serait elle quasi inexistante (et je n’ai pas trouvé d’explication à ce propos). La page Wikipedia des netto uyoku, ou ne uyo, la droite d’internet donc, explique que le phénomène émerge depuis un autre média, le manga, qui joue un rôle important dans la circulation de vues négationnistes sur l’histoire de l’archipel... depuis quand en fait ? article du Diplo daté de 2001, réponse : depuis la publication par Yoshinori Kobayashi en 1995 du "Manifeste pour un nouvel orgueillisme" dans le bimensuel Sapio.

Confession : je ne parle pas japonais, et la barrière linguistique est telle qu’on compare d’ailleurs souvent l’internet japonais à un intranet, un réseau fermé. Alors je me fie à Wikipédia, et j’essaie de faire quelques croisements à partir de là. Par exemple le fait que les netto uyo nourrissent une haine ciblée contre la Chine et des deux Corées. Si je cherche un peu sur le sujet, je vois qu’il y a eu une manif en 2011, pour protester contre la programmation de la première chaîne câblée de l’archipel, accusée de diffuser trop de programmes sud-coréens. Les netto uyo sont donc particulièrement agacés par le succès rencontré par les dramas sud-coréens depuis le milieu des années 2000, vague de succès nommée « hallyu », et le font savoir sur leurs plateformes préférées : 2channel, un des plus gros forums japonais... où l’on se dispute régulièrement sur les supposées origines coréennes des sushi, de l’art martial kendo, ou même, plus étrange... de la pizza, que Marco Polo aurait parait-il importé de Corée (cf. dans l’article le paragraphe « Japanese reactions »).

On trouve bien un papier en anglais sur les netto uyoku dans le Asia-Pacific Journal intitulé « Koreans, go home ! », article qui entend décrire le rôle d’internet dans l’émergence du phénomène, où l’on apprend que les netto uyo procèdent comme des trolls basiques, en saturant des fils de commentaires ou en viralisant des vidéos sur Mixi, une sorte de facebook local ; où l’on apprend aussi qu’ils n’ont pas vraiment de cohérence idéologique, mais dessinent une sorte de phénomène diffus... qui ne sort pas du cyberespace : le fait est que les ne uyo ne s’entendent même pas avec l’extrême droite traditionnelle, qu’ils considèrent là aussi... être un cheval de troie de la Corée.

Nb. On trouve aussi un fil de discussion sur forumjapon.com... indisponible si on clique mais pas si on plonge dans le cache de google.

[1] Linfluence réalise des cartographies des sphères politiques en France depuis 2005, en collaboration avec le quotidien Vespéral des Marchés (QVM) Le Monde, notamment. Pour une idée du travail produit, on pourra se référer à :

- "De 2007 à 2011, l’évolution de la blogosphère politique", par Guilhem Fouetillou, cofondateur de Linkfluence 

- "Les familles de l’extrême droite sur le net" (juillet 2011, avec le QVM)

- "La gauche domine le web politique" (et toujours 02.02.2012)

[2] Comme le fait remarquer Fabrice Epelboin en commentaire de l’article de Reflets qui a attiré mon attention :

Reflets, dans les catégories utilisées par Linkfluence, est dans le tas appelé « alter-info ». Pas de quoi s’offusquer. Là où ça devient trèèèèès discutable, c’est le traitement journalistique par Caroline Fourest qui rebrande ça en « extrémistes » et « complotistes », et colle côte à côte 4 ou 5 cartos qui n’ont rien à voir les unes avec les autres.

D’un point de vue journalistique, c’est du travail de merde. D’un point de vue carto d’influence, ça reflète quelque chose d’intéressant.

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