Nombreuses initiatives depuis vingt-cinq jours...
Voir #grèveRF & #vivelaradio
C’est marrant quand même le pouvoir d’une grève sur les consciences : quoiqu’on en pense, quel que soit le niveau de désarroi des uns et des autres après tant d’agitation, ça force l’interrogation, ça pousse à l’organisation, bref tout le contraire de ce qu’écrivait Le Monde dans son éditorial du 2 avril dernier : « Radio France est en grève pour que rien ne change à Radio France. Fascinant désir d’immobilisme, pour ne pas dire de conservatisme. » Ceux qui écrivent des choses pareilles ne fréquentent manifestement pas la Maison de la radio, mais, et c’est bien plus inquiétant, ils ne fréquentent pas non plus le Web. Pire encore, ils ne lisent pas leur propre journal ! Sans quoi ils auraient vu que ce mouvement est bel et bien en mouvement.
- Ainsi de la tribune de Philippe Meyer, publiée dans... Le Monde, justement, au début de la grève et intitulée « Il faut stopper la dérive de Radio France » ; une tribune qui dessine quelques pistes : entre autres associer les musiciens de Radio France à une redéfinition de leurs missions, en prenant exemple sur l’action de l’Orchestre national de Lille ; associer également les travailleurs du son, cantonnés à « relayer des bruits de bouche alors qu’ils sauraient saisir et retransmettre les rumeurs du monde et en permettre l’analyse ».
- AG constitutive de la SPARF, le 27 mars 2015.
- Par Arnaud Contreras.
- Autre initiative, celle des producteurs d’émissions des différentes chaînes de Radio France, réunis pour la première fois en association, la SPARF (Société des producteurs associés de Radio France) : c’est totalement inédit dans l’histoire de la Maison de la radio, après plusieurs tentatives dans le passé. Inter, Bleu, Musique, Culture, Fip et Info pour la première fois réunies ! Notons au passage que Mouv’, récemment restructurée, reste la grande absente, pour l’instant, de la SPARF. Laquelle a permis la tenue de deux émissions à ce jour, malgré les résistances de la direction générale, Frédéric Schlesinger pour ne pas le nommer refusant leur diffusion sur les ondes. Mais elles se sont tenues, et sont (ré)écoutables en ligne.
- Il faudrait également citer les collectifs préexistants, comme « Le meilleur des ondes », comme celui formé dans le giron du journal Fakir, « De l’air à Inter », ou celui des journalistes précaires de Radio France, soutenus, à l’occasion du mouvement, par les journalistes titulaires qui ont signifié au ministère de la culture combien leur situation est intolérable, alors que des solutions existent.
- Enfin et surtout, il faut citer ces collectifs d’auditeurs solidaires, dont l’un a connu un certain succès. Cet après midi, à 14h, certains organisent d’ailleurs une fausse émission en direct aux pieds de la tour Eiffel.
Voilà, entre autres, ce qui s’est passé à ce jour.
Venons-en maintenant à ce qui ne s’est pas passé :
- Il n’y a pas eu de prise d’antenne, pas d’occupation des ondes : vous n’y pensez pas, ce serait une « prise d’otages » !
- Patrick Cohen ne s’est pas indigné au micro, sur la tranche la plus écoutée de Radio France, le 7/9 d’Inter, comme il avait pu le faire, pour défendre le statut de journaliste de sa camarade Pascale Clark, en déchirant sa carte de presse. Personne alors n’avait parlé de « prise d’otages » [1].
Je voudrais bien qu’on m’explique en quoi conserver un lien avec les auditeurs, élargir les inquiétudes de Radio France à celles de la France tout court, de la France au sein de l’Europe et du monde, relèverait de la « prise d’otages » ? A ce compte-là, ne faut-il pas considérer celles et ceux qui déterminent chaque année les grilles des programmes et imposent leurs « prérogatives éditoriales » comme de perpétuels preneurs d’otages ? Et qu’est-ce qu’une rétorsion à laquelle il est possible d’échapper d’un simple changement de fréquence ?!
Le dilemme devant lesquels étaient placés de nombreux soutiens du mouvement, bien au-delà des syndicats et des CDI de la maison, était le suivant : ne pas briser le lien avec les auditeurs mais ne pas briser non plus la grève (en reprenant l’antenne comme si de rien n’était). Cependant, la solution consistant à diffuser sur les ondes des programmes spécifiques, une grille ad hoc, une chronique du mouvement qui intègre tous les combats de l’heure (avec lesquels le mouvement est solidaire de fait : absence de transparence, déficit démocratique d’institutions « représentatives », casse de l’emploi sur l’autel de la mauvaise gestion), ne s’est pas concrétisée. Il est vrai que c’est sans doute la dernière chose que les directions seront prêtes à lâcher : leur fameuse « prérogative éditoriale », pouvoir de déterminer (ce) qui passe ou non sur les ondes. Il faudrait, il faudra donc un jour ou l’autre, s’en saisir sans demander la permission.
- Les différentes chaînes du groupe ne se sont pas encore réorganisées sur le modèle de l’orchestre philharmonique de Berlin, idéal de gestion démocratique d’un groupe d’individus aux partitions complémentaires.
- Enfin, Radio France ne s’est toujours pas transformée en SCOP.
Ces initiatives qui ont émergé, comme celles qui n’ont pas émergé, n’ont pas grand chose à voir avec le plan du président directeur général de Radio France, mais elles ont un avantage sur lui : elles sont tout à fait stratégiques.
Le médiateur de Radio France au chevet de TV5 Monde
Un « pire-ratage » a touché le système informatique de la chaîne internationale francophone TV5 Monde, mais aussi ses différents comptes sur les réseaux sociaux et enfin et surtout son système d’information, ce qui est inédit, digne de V pour Vendetta, empêchant la diffusion des programmes pendant plusieurs heures. Stéphane Bortzmeyer recense tout ce qu’il faut là.
La situation a beau être inédite, elle n’en est pas moins banale, comme l’écrit Reflets.info, un site tenu par des gens qui s’y connaissent en sécurité informatique, lesquels qualifient l’épisode de « banal piratage monté en épingle par la classe politique [pas moins de trois ministres se sont déplacés au siège de TV5] pour crier au cyberdjihad ». Des hauts cris et de grandes déclarations abstraites sur la liberté d’expression qui ne trompent personne, au moment où le projet de loi sur le renseignement du ministre de l’intérieur (#PJLRenseignement), qui vise à conférer des pouvoirs de surveillance étendus et hors de contrôle aux services de police, doit être discuté à partir de lundi 13 avril à l’Assemblée nationale — une manifestation est prévue sur place à 12h30.
Et ce n’est pas sans lien avec notre sujet du jour, figurez-vous, car d’où vient, Dominique-Jean Chertier, le médiateur nommé par le ministère de la culture pour « renouer le dialogue social » au sein de Radio France ? De Safran ! groupe important de l’industrie de la défense et de la sécurité, dont l’Etat a récemment vendu une partie du capital [2], Safran dont l’une des filiales, Morpho, est championne mondiale de l’empreinte digitale [3].
Quelle efficacité, ce médiateur ! La solution à la grève de Radio France ET au « cyberterrorisme » semble toute trouvée : la biométrie.
Chronique tirée du « Secret des sources » du 11/04/2015 :
« L’audiovisuel public et le conflit à Radio France »
Vos commentaires
# Le 11 avril 2015 à 21:58, par Castel En réponse à : Les victoires de la grève à Radio France
À vous lire, je crois que les acquis de ce conflit historique vous les avez forgés dans la lutte en trouvant des moyens d’expression riches de promesses, quelle que soit l’issue de la négociation. Peu ou prou, je crains le désengagement de l’état et sa logique comptable. Quand la TV publique, la grande muette, en sera la cible, ce ne sera pas triste.
# Le 30 mai 2015 à 01:10, par tbn En réponse à : Les victoires de la grève à Radio France
Ils devront alors s’organiser aussi… Mais j’ai l’impression que la sous-traitance à des boîtes de production extérieures y est déjà tellement avancée que ce sera plus compliqué encore.
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# Le 11 avril 2015 à 16:57, par BoOz En réponse à : Les victoires de la grève à Radio France
http://rf.proxycast.org/1015271046250504192/11986-11.04.2015-ITEMA_20743116-0.mp3
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