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Et si le Brésil gouvernait Internet ?

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Chronique de la Place de la toile du 19 octobre 2013, « Tubes et culture porno ».

Et si le Brésil gouvernait Internet ?

Mais... je croyais que personne ne gouvernait le réseau décentralisé ? Seulement décentralisé ne veut pas dire distribué, il y a de nombreux centres de l’Internet, et la plupart sont outre-atlantique, et plutôt au nord de l’Amérique qu’au Sud. De cela, le président de l’ICANN, une des principales institutions (internationale mais d’abord états-unienne) de l’Internet, qui attribue les adresses IP et les noms de domaine de la Toile, ne semble plus vouloir. Paroles, encore des paroles ?

Fadi Chehadé, le présidentt de l’ICANN, a toutefois rencontré la présidente du Brésil Dilma Rousseff il y a quelques jours, tous deux ont convenu d’organiser en avril prochain un sommet à Rio sur la gouvernance d’Internet. Donc il ne s’agit pas pour le Brésil de gouverner Internet, mais d’initier un mouvement pour redistribuer les centres du réseau des réseaux.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Baran

Comptent bien sûr les révélations d’E. Snowden mettant au jour une large alliance anglo-saxonne de surveillance des communications numériques mondiales. Surveillance à laquelle n’a pas échappé l’Etat brésilien, ni l’Etat mexicain et sans doute bien d’autres, et pas seulement par la NSA américaine dans le cas du Brésil, mais aussi par les « services » canadiens... Du coup, les ministères brésiliens vont adopter un nouveau système de messagerie, plus sécurisé, du nom de « Expresso ». Ce qui a fait dire au ministre des communications Paulo Bernardo : « Nous allons, pour ainsi dire, prendre congé de l’Internet ».

Le fait est que l’affaire Snowden (comme il le dit lui-même) n’a pas eu l’effet Dracula escompté, les agents de la surveillance globale ont ainsi regagné les ténèbres où ils s’épanouissent, sans être aucunement grillé par la lumière soudain projetée sur eux. On ne sait plus trop où on en est à vrai dire de l’affaire Snowden... noyé dans toutes ces nouvelles, quoiqu’ils soient peu nombreux finalement, les journalistes à détenir ses documents classifiés... Le plus célèbre, Glenn Greenwald est un journaliste américain résident au... Brésil. C’est encore le Brésil, en la personne de Dilma Rousseff, que l’on retrouve le 24 septembre dernier, à la tribune de l’ONU qui tient son Assemblée générale … La présidente en profite pour s’en prendre aux Etats-Unis (après avoir annulé sa visite à Washington) et déclare, forte de sa propre histoire de résistante à la dictature, que non seulement on est pas censé s’espionner entre amis... mais que surveillance de masse et démocratie... comment dire... qu’en somme, il faut revoir la technologie, en commençant par l’infrastructure. Le 7 octobre, les dirigeants des principales institutions de gouvernance de l’internet, le W3C dont je parlais la semaine dernière... mais aussi l’IAB, l’IETF, l’internet society et tous les registres régionaux de noms de domaine publient une déclaration commune qui fera peut-être date : « Déclaration de Montevideo sur l’avenir de la coopération pour l’Internet ».

Ils en appellent à l’accélération de la mondialisation de la gouvernance d’internet, « vers un environnement dans lequel toutes les parties prenantes, y compris tous les gouvernements, participent sur un pied d’égalité » ; et fustigent la tendance à la balkanisation de l’Internet qui ne peut que découler de la paranoïa ambiante.

Une telle mobilisation pour se libérer de la tutelle états-unienne avait déjà été tentée l’an dernier, sans succès, au sommet mondial de l’UTI, l’agence de l’ONU en charge des télécoms... Le texte final avait été signé par le Brésil et bien d’autres, mais ni par la France, ni par les USA. Sauf que depuis, il y a eu Snowden. Depuis, le Brésil et ses 94 millions d’internautes, deuxième puissance facebook au monde, noue des partenariats avec l’Inde, plus avancé en cybersécurité, et prépare une constitution pour l’Internet – Marco Civil c’est son nom. Une législation respectueuse des libertés fondamentales en ligne, bientôt votée au Congrès, qui pourrait servir de modèle à l’international... Il y a aussi ce projet de câble sous marin (BRICS cable), long de 34 000 kms, relié à Miami au Nord mais courant au Sud jusqu’à Vladivostok en passant par le Cap. Et il y a donc, cette réunion, prévue en avril prochain à Rio, qui pourrait accoucher non pas d’un gouvernement brésilien de l’Internet, mais d’une redistribution géopolitique de ses centres.

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