Chronique de la Place de la toile du 19 janvier 2013 "La vie et l’oeuvre d’Aaron Swartz / Peut-on critiquer la neutralité du net ?" avec A. Casilli, Patrick Waelbroeck et Kavé Salamatian.
Qu’est-ce que c’est que ce site, freenews, qui a été la source de nombreux autres médias ces derniers jours, alors que la polémique enflait autour du filtrage de la publicité par les nouvelles box de l’opérateur (#adgate) ? [soundcloud url="http://api.soundcloud.com/tracks/75824789" params="" width=" 100%" height="166" iframe="true" /]
La fête dure depuis un moment pour free... - c’est un anniversaire (dossier des Echos) : des reportages sur la 2e chaîne (là) sur les problèmes d’interconnexion ou QoS pour qualité de service relayés cette semaine par l’UFC que choisir – la QoS ça recouvre les problèmes de peering, c’est à dire d’échange de trafic internet entre par ex. Google le fournisseur gourmand en bande passante et Free l’opérateur pauvre en tuyaux ; mais ça recouvre aussi les problèmes d’itinérance avec Orange, opérateur historique avec qui Free a négocié son arrivée sur le marché du mobile il y a un an ; Free emprunte ainsi le réseau d’Orange le temps de construire complètement le sien ; autant de choses déjà évoquées ici ; cf. sur freenews).
J’ai pu lire aussi ces derniers jours une enquête sur Xavier Niel le patron forcément charismatique sur Mediapart, et enfin, et surtout une annonce choc pour appuyer le marketing [1] des freebox v6 dites « révolution » (une box, tiens mais pourquoi y être tenu en fait ?%20[MISC]%20se%20passer%20des%20box%20FAI%20 :%20technique,%20juridique%20(Was%20 :%20Mieux%20que%20l] ; une initiative de free là encore) : cette box v6 de Free - ou plutôt la mise à jour ou màj du logiciel ou firmware qui la pilote - était donc dotée d’une nouvelle fonction, activée par défaut.. Et cette fonction entraînait le blocage des publicités sur les sites (notamment le blocage de la régie publicitaire de Google). Les fenêtres des navigateurs des abonnés free dotées d’office d’un double vitrage ? Les voilà plus tranquilles, non ? Ouais, sauf qu’ils aimeraient bien avoir le choix, et pas qu’un fournisseur d’accès tout puissant censément neutre décide pour eux de ce qui est bon ou mauvais pour leur tranquillité. Passons [2]. Tout cela a été amplement discuté.
Ce qu’on peut constater, c’est que les médias qui ont diffusé l’info avaient pour source un site appelé Freenews. Là par exemple : « particulièrement menacé [parce qu’il vit de la pub], le site Freenews, spécialisé sur l’actualité de l’opérateur, s’est empressé de mettre en ligne un mode d’emploi pour désactiver la fonction de filtrage : « Bien que l’option soit plaisante à première vue, nous pensons que le choix de Free est dangereux et irresponsable » ; En lisant ça, je me dis que ce site ne doit pas être affilié à Free, ou alors la boîte de Niel a définitivement des méthodes de com bien étranges. J’envoie quelques mails… arrivent les réponses de la présidente de l’assoc Isabelle Deromas, et du responsable de la rédaction, Y. Ferret.
Freenews est donc une communauté en ligne avec forum comme il en existe d’autres, mais au royaume des opérateurs telcos c’est une spécialité de free [3] (d’ailleurs on dit freenautes, on ne dit pas bouyguien ou sfrien que je sache - c’est joli ceci dit sphérien) ; c’est surtout vrai pour free donc, d’autant que les dernières freebox sont livrées aux abonnés sans documentationet que les MàJ des firmwares sont souvent en version bêta, en version test, ce qui entraîne des questions, et des réponses, des échanges et du trafic (rémunéré par la pub) ; des communautés comme freenews se sont donc montées début 2000, souvent à partir d’une page personnelle, et free les a d’ailleurs d’abord encouragées, voire subventionnées. Chaque année, ces assoc sont même invitées au siège de la maison mère pour échanger avec un big boss très disponible dit-on et recevoir des infos exclusives. De l’intéressement.
Sauf que désormais, free développe des canaux officiels de communication sur les réseaux sociaux établis (tw, fb), et semble rompre peu à peu avec cette tradition communautaire dont il a donc bloqué les revenus pour quelques jours avant de désactiver la fonction de filtrage incriminée. En attendant, Freenews reste très utile pour expliquer des fonctionnalités ou faire remonter des bogues. Devenue une sorte d’association de consommateurs, elle est donc aussi une source utile pour les autres médias qui butent contre une com’ officielle de plus en plus verrouillée.
[1] Etonnante capacité à faire la Une sans débourser des mille et des cents, puisque les médias généralistes s’en chargent, a fortiori lorsque leurs revenus publicitaires sont ciblés. Dans l’ensemble c’est le genre de sujet qui déchaîne amateurs et professionnels de l’internet [et qui fait vendre du papier, dixit Y. Ferret], sans doute parce que ça croise nombre d’enjeux sur les réseaux en général, les tuyaux et les contenus. Alors on peut considérer qu’il y a une part de bluff dans le coup de Free (mais du coup il est assez paradoxal que X. Niel s’en émeuve (cf. l’échange avec Y. Ferret), à moins que ça ne soit pour faire encore monter la sauce, mais là c’est au-delà de la stratégie), c’est en tout cas une façon d’alerter la classe politique et de fourbir ses armes dans les négociations avec Google et consorts (acteurs OTT pour « over the top ») [Google verserait 10 millions d’euros par an à Orange par exemple dixit certains].
[2] Tout est dans l’activation par défaut, la dotation d’office. Et d’ailleurs, l’opérateur a depuis fait machine arrière, en attendant de voir où mènent les négociations avec Google (voir la discussion sur le forum ici (alors que la communaité Freenaute attend d’autres fonctionnalités bien plus utiles notemment un client/serveur vpn ?) et là.
[3] les autres opérateurs aussi ont de tels sites communautaires indépendants SFR ; Numericable ; Bouygues ; Orange ; mais rien à voir en termes de fréquentation avec la nébuleuse des sites de freenautes (dont Freenews n’est qu’un exemple).