Accueil > Blog > Cloud national

Cloud national

300/12

Chronique de la Place de la toile du 27 octobre 2012, où Xavier recevait Valérie Schafer, Benjamin G. Thierry et Laurent Chemla avec une question : Au fait, qui a inventé Internet ? (en partenariat avec Rue89 et Martin Untersinger qui a rédigéun article sur le sujet pour l’occasion). 

[soundcloud url="http://api.soundcloud.com/tracks/65034810" params="auto_play=false&show_artwork=true&color=369133" width="100%" height="166" iframe="true" /]

 

Qu’est-ce que serait un cloud national ? [C’est désormais un classique, mais merci à S. Bortzmeyer qui a attiré mon attention sur le sujet]. Un cloud national. une sorte de société nationale du cloud, un cloud souverain, géré par l’État quoi. Paraît qu’il faut pas dire cloud mais « infonuagique » en français... Pourquoi cette image du nuage ? Parce que le principe, c’est de pas stocker les données chez soi, sur le disque dur de son ordinateur ou sur un serveur personnel dans la cave – qui fait ça ? – mais d’y accéder via l’internet quand le besoin s’en fait sentir. C’est-à-dire que mes photos, mes mails, mes documents etc. sont stockés ailleurs, dans des serveurs lointains, autrement dit : dans les nuages.

Si je pense la métaphore du cloud computing jusqu’au bout : les données sont comme des gouttelettes qui viennent de partout et s’agrègent pour former un bloc quand je les convoque ; mais ce bloc n’existe que quand je veux m’en servir, et surtout, les gouttelettes ne m’appartiennent pas. Un peu comme Sangoku le héros de Dragon Ball Z le manga, qui se déplace sur un nuage supersonique qu’il peut convoquer mais qui a et conserve toujours sa propre intentionnalité. Passons. [Ce nuage s’appelle Kinto-un]

Je pense à ces services qui proposent de stocker des fichiers en ligne, type Dropbox. L’avantage, c’est que quelque soit le poste sur lequel je travaille, je pourrai récupérer les dernières modifications du fichier sans avoir à me l’envoyer par mail ou à le copier sur une clé. L’inconvénient, bah il est évident… c’est que Dropbox est souverain, peut décider d’arrêter le service, ou de modifier les clauses, ou de ne plus suffisamment protéger les donnéesque je stocke dans son nuage. [Ces enjeux ont été illustré au moment de l’affaire Wikileaks avec Amazon par exemple (sachant qu’amazon héberge de nombreuses choses) en 2010 ; dans l’affaire MegaUpload également].

Et si y avait un service de cloud bien de chez nous, est-ce que je serais plus autonome pour autant ? Projet cloud France. Chronologie des faits, janvier 2011, Eric Besson, ministre de l’économie numérique, annonce que l’Etat va investir, via le grand emprunt… parce qu’il y en a marre de la domination des américains Google, Amazon et Microsoft, la situation est intenable : 2/3 des data centers sont situés outre atlantique, où la législation en vigueur est moins protectrice que celle de l’UE. [Patriot Act oblige]. Donc l’idée c’est d’encourager des acteurs français de l’infonuagique. Subventionner des datacenters ici, sur le sol national… et des offres publiques et privées d’application et de stockage à distance. En gros, l’idée, c’est que les Français stockent leurs informations dans des nuages français.

Aujourd’hui c’est Fleur Pellerin qui a repris le flambeau du projet, baptisé Andromède. Andromède aujourd’hui, c’est finalement une hydre à deux têtes, deux projets de 250 millions chacun, où l’Etat a investi pour un tiers. L’un de SFR et Bull, qui s’appelle Numergy, l’autre de Orange et Thalès, qui s’appelle Cloudwatt. Premier problème, ça gueule un peu du côté de PME qui proposent depuis des années de l’infonuagique, comme Gandi, OVH ou Interxion… on n’est pas contre l’idée, mais on crie à la concurrence / connivence déloyale ; et on s’étonne : c’est vrai ça, pourquoi subventionner deux structures publiques-privées avec des acteurs qui connaissent pas grand chose au nuage ? Comment la ministre espère lutter contre l’hégémonie américaine en partant de si loin ? Second problème, plus philosophique : est-ce qu’on a envie de stocker nos données dans des structures financées à un tiers par l’Etat ? La tutelle de l’Etat, surtout lorsqu’elle s’associe à des boîtes comme Bull, dont une ancienne filiale (Amesys) s’est illustrée dans la surveillance des réseaux en Lybie, cette tutelle-là est-elle plus souhaitable que celle de Google ou d’HP ? Pas sûr.

Nb. Il y aurait évidemment bien d’autres choses à dire sur le sujet. Signaler par exemple la réaction immédiate d’IBM proposant une offre de cloud avec data center sur le sol national. D’autres tentatives, comme Nuage à l’initiative de plusieurs PME, ou encore BRIC qui entend agréger les quelques gigas gratuits offerts par différents services de cloud, ce qui revient à se nourrir sur la bête, jusqu’à ce que celle-ci s’en rende compte. Et puis si vous n’avez toujours pas compris ce que c’est que le cloud computing, il y a encore cet article. Si vous avez compris et que vous voulez comparer les offres, regardez Cloud Monitor. Vous pouvez aussi décider que le cloud est un vaste coup marketing qui occulte une fois de plus le problème de fond : c’est avant tout vous qui n’êtes pas souverains !

Un commentaire ?

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Ajouter un document