Chronique de la Place de la toile du 8 juin : "Technologie et magie"
Que nous dit la secrète réunion de Bilderberg du numérique ? [soundcloud url="http://api.soundcloud.com/tracks/96131917" params="" width=" 100%" height="166" iframe="true" /]
Les représentants du numérique présents à la conférence Bilderberg, 61e du nom, qui se tient jusqu’à demain dans un palace londonien... une grosse centaine de personnes, toutes venues d’Europe ou des Etats-Unis, originellement pour lutter contre le péril rouge, et désormais contre on ne sait quel péril, ou en faveur d’on ne sait quelle « vision planétaire » (ce dernier article est très complet) : chacun son hypothèse tendancielle (chacun ses liens, avec ses armes, celles fournies depuis l’âge de raison, celles qu’on a pu se fabriquer depuis – mais jamais seul).
Parmi tous ces puissants politiciens, chefs d’entreprises, journalistes, quelques « aristocrates des technos » : Eric Schmidt, le patron de Google, pour la 4e fois, Jeff Bezos patron des entrepôts surchauffés d’Amazon, Craig Mundie de Microsoft, Peter Thiel le fondateur de paypal et « ange investisseur » de facebook entre autres (cf « disruption »), et, plus étrange, le juriste activiste Lawrence Lessig. Lessig, à l’origine des « creative commons », ces licences plus ou moins libres adaptées à l’ère numérique, papa spirituel d’Aaron Swartz... ce premier martyr du domaine public.
Au programme techno de l’édition 2013, parmi les 12 sujets abordés : les bigdata, la cyberguerre, et l’éducation en ligne. Etrange tout de même la présence de Larry Lessig... lui qui n’est plus si libertarien que dans sa jeunesse à en croire sa page wikipedia en anglais, lui qui travaille moins désormais sur les questions de propriété intellectuelle que sur la corruption et les liens entre politique et argent... Peut-être que sa présence à Bilderberg tient de l’enquête, et que pour la première fois, demain ou la semaine prochaine, on pourra enfin lire un récit de l’intérieur, qui sait ?
Qui sait... oui, qui sait ? Telle est la question. Et je crois que la réponse est : personne, personne ne sait vraiment ce qu’il va advenir de la planète (sinon qu’elle se réchauffe et que tout le monde s’en fout). Mais cette réponse n’est pas très satisfaisante. Si seulement notre planète pouvait obéir à un dessein ?! De fait, ces réunions secrètes, dont Bilderberg n’est plus vraiment un exemple car bien trop fameuse, ces réunions donc, parce qu’elles réunissent l’oligarchie occidentale avec des règles bien précises digne d’une loge quelconque, viennent alimenter l’idée que dans nos « démocraties », des décisions sont prises dans l’ombre. De quoi cogiter sévère, sinon paranoïer allègrement...
Qu’est-ce que cela nous dit du numérique ? Qu’il a partie liée avec le secret, celui qui se dissimule derrière la technique (son histoire, ses injonctions implicites) ; celui que la technique permet d’éventer... en faisant fuiter des documents, par exemple, comme ceux de jeudi dernier, dans le Washington Post et le Guardian, qui révèlent tout simplement que la NSA, l’agence nationale de sécurité américaine ainsi que le FBI ont accès aux serveurs de Microsoft, Yahoo, Facebook, Google... Tu parles d’une révélation. Seulement les lanceurs d’alerte, whistleblowers, et le plus célèbre d’entre eux, Bradley Manning pour son rôle présumé dans les fuites de Wikileaks, sont menacés... Et là il n’est plus question d’hypothèse, de conspiration ou de reptiles humanoïdes génétiquement modifiés ordonnant le monde à leur profit, mais d’un risque bien réel : pour Bradley Manning, dont le procès s’est ouvert lundi dernier, c’est celui de la prison à vie.